Qu’est-ce que la haine sur le plan politique ? Au coeur de la définition du racisme et de l’antisémitisme, la notion de haine est partout et pourtant personne ne s’en revendique. La prolifération de locutions sollicitant cette notion (« discours haineux », « appel à la haine ») tient pour évident qu’il s’agit d’une catégorique idéologique et même juridique. C’est cependant, de toute évidence, un terme axiologique, susceptible d’une utilisation polémique et non descriptive puisqu’elle est le fruit d’une interprétation assortie d’un jugement de condamnation morale. Dans le langage ordinaire, pourtant, la « haine » décrit un jugement psychologique et non politique. La notion possède une dimension relationnelle exprimant un sentiment négatif envers un objet, lequel peut être de toute sorte : haine de l’autre ou haine de soi, haine portant sur des catégories non humaines (« je hais le mensonge ») ou sur des propositions discursives (« je hais l’idée de devoir déménager »). Cette notion possède donc des acceptions différentes qui posent la question de leur chevauchement et de leur différenciation. À partir de quel moment le sentiment devient-il une catégorie idéologique ?

La « haine » génère aussi sa contre-idéologie, y compris dans la pratique politique qui a pu récemment mettre en place une « coalition contre la haine ». Les sentiments négatifs, les désaccords, l’opposition seraient-il alors des phénomènes interdits ? Si la haine est un pôle axiologique et politique, estil seulement permis de ne pas aimer ? Dans la mesure où les rapports entre groupes sociaux ne seraient pas autorisés à exprimer de l’hostilité, on se demandera si la haine peut être considérée comme un concept régulateur de la vie publique. On s’intéressera également aux manifestations politiques, discursives et matérielles de la haine et aux éléments objectifs qui seraient susceptibles de les caractériser. On travaillera aussi la question du rapport entre haine individuelle et collective, entre identité personnelle et groupale. On abordera ce sujet dans toutes ses dimensions : juridiques, psychologiques, discursives, philosophiques, historiques, sociologiques, anthropologiques…