top of page

Stop au boycott académique !  

Suite au choix de plusieurs universitaires d’annuler leur participation à un colloque en raison de la présence d’historiens israéliens, un collectif de plus de 500 intellectuels et membres de la société civile alerte, dans une tribune au « Monde », sur des boycotts académiques de plus en plus fréquents. Ceux-ci participent, selon eux, à renforcer les pressions politiques et idéologiques exercées sur les chercheurs.

La version anglaise se trouve en bas de page.

Un collectif de 500 personnes interpelle France Universités et le ministère de l’enseignement supérieur :
« Il est impératif de condamner le principe
de boycott académique »

Le Monde

15 septembre 2025

Tribune

Collectif

Suite au choix de plusieurs universitaires d’annuler leur participation à un colloque en raison de la présence d’historiens israéliens, un collectif de plus de 500 intellectuels et membres de la société civile alerte, dans une tribune au « Monde », sur des boycotts académiques de plus en plus fréquents. Ceux-ci participent, selon eux, à renforcer les pressions politiques et idéologiques exercées sur les chercheurs.

texte traduit en anglais un peu plus bas

 

Certains chercheurs ont choisi d’annuler leur participation à un colloque d’historiens médiévistes et modernistes programmé les 15 et 16 septembre au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MAHJ) et à la Bibliothèque de l’Arsenal, « Les histoires juives de Paris. Historiographies, sources et recherches en cours (Moyen Age, époque moderne) ». La raison de ce retrait ? La présence de chercheurs israéliens.

 

Les responsables du MAHJ et les organisateurs nous ont alertés par un communiqué dont voici un extrait : « Des chercheurs ont récemment annulé leur participation, au prétexte qu’un programme de recherche en histoire médiévale de l’Université hébraïque de Jérusalem (UHJ) – dirigé par Elisheva Baumgarten, éminente médiéviste et doyenne des humanités à l’UHJ – finançait la participation d’une doctorante, comme c’est l’usage. Certains ont argué du fait que leur participation équivalait à soutenir le gouvernement israélien. (…) Cette attitude est une offense à l’autonomie de la recherche et à l’indépendance de la République des lettres. »

Ce boycott vient s’ajouter à une longue liste de boycotts académiques visant l’Etat d’Israël, et ostracise des collègues uniquement en raison de leur nationalité. Il amalgame des individus et le gouvernement de leur pays. Cela revient à leur faire porter le fardeau de complicité avec la guerre en cours à Gaza, qualifiée de « génocide » selon le discours en vigueur dans certains de nos établissements d’enseignement supérieur depuis le 8 octobre 2023, au lendemain du plus grand massacre de juifs depuis la Shoah.

Ligne rouge

Ce boycott n’est ni une protestation vertueuse contre une guerre ni un acte de solidarité humanitaire avec ses victimes civiles. C’est une déclaration de bonne conscience, une position de défense qui suit les évidences de l’opinion. Comme d’autres avant lui, ce boycott met en cause la collaboration de chercheurs israéliens à des manifestations scientifiques lancées par les universités françaises et européennes, et ce, en raison d’une complicité supposée avec leur gouvernement.

La décision de certains chercheurs de boycotter cette rencontre, au motif de partenariats académiques avec l’Université hébraïque de Jérusalem, constitue une atteinte grave à la liberté académique et à la coopération scientifique française, autant qu’à l’esprit d’indépendance et d’ouverture qui fonde la recherche.

Nous ne pouvons l’accepter.

 

Une ligne rouge est franchie dès lors que le boycott académique devient une sanction arbitraire que des universitaires ou des sociétés savantes infligent à des pairs au prétexte d’un désaccord idéologique présumé ou de la défense d’une cause morale jugée supérieure. Ces collègues piétinent ce qu’ils revendiquent d’abord pour eux-mêmes : la légitimité académique consacrée par les pairs.

Ce boycott par désistement est la face visible d’un phénomène rampant plus subtil qui se révèle par les nombreuses absences de réponses ou les refus non motivés à des demandes de participation à des colloques, des demandes de bourses ou de subventions pour des programmes de recherche associés à des institutions israéliennes jugées complices de leur gouvernement.

Nous ne pouvons l’accepter.

C’est ici l’idée même de la communauté académique, héritée de la République des lettres du XVIIIe siècle, qui est remise en cause. Soit il y a une seule et unique communauté académique, qui existe par-delà les opinions et les nationalités, soit il n’y en a pas, et c’en est fini de la science et de l’idéal des Lumières.

« Antisionisme de la chaire »

 

Cela a pour conséquence de créer un « ghetto moral », selon l’expression si juste de Bernard Lazare. Ce boycott finira-t-il par viser les universitaires français en raison de leur judéité réelle ou supposée mais a priori coupable ? Cette ostracisation a déjà touché les étudiants juifs, comme l’ont révélé des témoignages, des enquêtes, des rapports officiels et des articles de presse. Un « antisionisme de la chaire », comme l’écrit Gérard Bensussan, sévit dans le milieu académique ainsi que sur les campus depuis deux ans, comme le montre le rapport « “A Climate of Fear and Exclusion” : Antisemitism at European Universities », réalisé par plusieurs grandes organisations juives européennes.

 

« Boycott », « ghetto », « juif » : ces indices lexicaux qu’il faut comprendre à l’aide de la sémantique historique et de la longue histoire de l’antisémitisme nous poussent à nous interroger sur la nature du phénomène en cours. Dans certaines situations, l’exacerbation d’un discours antisioniste, attribuée à la libre expression d’opinions politiques qui règnent sur les campus, crée un climat de confusion.

Nous ne défendons pas pour autant l’idée selon laquelle l’université devrait être un sanctuaire. Les problèmes de la société plongée dans la mondialisation interfèrent constamment avec la vie des campus et deviennent des sujets d’étude pour les sciences humaines et sociales, armées de la réflexivité critique et des méthodes d’objectivation éprouvées qui sont les leurs : aucun sujet ne doit être a priori exclu de la rationalité critique.

 

Nous appelons France Universités et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche à condamner le principe de boycott académique quelle que soit la nationalité des chercheurs.

 

Nous appelons à la création d’une internationale académique de lutte contre les boycotts et les pressions politiques et idéologiques exercées sur les chercheurs, y compris par d’autres chercheurs.

 

Parmi les signataires : Paul Audi, philosophe (PHILéPOL, Université Paris Cité) ; Annette Becker, professeure émérite d’histoire contemporaine ; Gérald Bronner, professeur de sociologie (Sorbonne Université, Académie nationale de médecine, Académie des technologies) ; Jacques Ehrenfreund, professeur à l’université de Lausanne, chaire d’histoire des juifs et du judaïsme ; Nathalie Heinich, sociologue et directrice de recherche au CNRS ; Eva Illouz, sociologue et directrice d’études à l’EHESS ; Bruno Karsenti, philosophe et directeur d’études à l’EHESS ; Céline Masson, professeure de psychologie à l’université de Picardie Jules-Verne et directrice du Réseau de recherche sur le racisme et l’antisémitisme ; Isabelle de Mecquenem, professeure agrégée de philosophie à l’université Reims-Champagne-Ardenne ; Sophie Nezri, présidente de l’Institut d’études et de culture juives d’Aix-Marseille Université ; Anne Quinchon-Caudal, maîtresse de conférences HDR à l’université Paris Dauphine ; Pierre-André Taguieff, historien des idées, directeur honoraire de recherche au CNRS. 

 

Retrouvez la liste complète des signataires ici.

Stop academic boycott!

Traduit par Jean Szlamowicz et Hélène Palma 

A certain number of academics have decided to withdraw from a conference of medieval and early modern historians. The reason for their withdrawal? The presence of Israeli scholars. The event took place on 15-16 September 2025, at the Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahJ) and the Bibliothèque de l'Arsenal and dealt with Histoires juives de Paris, presenting current research on historiographical and source related topics (medieval & (early) modern periods).

The directors of the mahJ and the organizers of the conference alerted us with a press release[1]. This is an explanatory extract:

"Several academics recently cancelled their participation, on the pretext that a medieval history research program at the Hebrew University of Jerusalem (HUJ) - directed by Elisheva Baumgarten, a prominent specialist in Medieval studies and Dean of Humanities at the HUJ - funds the participation of a doctoral student, as is common practice. Some of them argued that their participation was tantamount to supporting the Israeli government. (...) This attitude harms the autonomy of research and the independence of the Republic of Letters.”

This withdrawal, thus justified, is one in a long list of academic boycotts targeting the State of Israel[2], and ostracizes fellow academics solely on the basis of their nationality. It conflates individuals with their country's government and thus recasts them as accomplices with the Gaza war, qualified as "genocide" within the walls of certain higher education institutions, as early as 8 October 2023[3], the day after the largest massacre of Jews since the Holocaust.

Red line

This boycott is not a virtuous protest against a war, nor an act of humanitarian solidarity with its civilian victims. It is a declaration of good conscience, a defensive stance that follows the vox populi. This discriminatory withdrawal, like others before, puts into question the collaboration of Israeli scholars in academic events launched by French and European universities, because of alleged complicity with their government.

The decision by certain scholars to tarnish this meeting in this manner, on the grounds of academic partnerships with the Hebrew University of Jerusalem, is a serious attack on academic freedom and French academic cooperation. But also, on the spirit of independence and openness on which scholarly work is founded.

We cannot accept this.

A red line is crossed when academic boycott becomes an arbitrary sanction academics or learned societies inflict on their peers on the pretext of an ideological disagreement, supposed or real, or the defence of a cause through which they claim the moral high ground. These academics trample what they demand first and foremost for themselves: the academic legitimacy enshrined by their peers.

This explicit boycott "by withdrawal" is the visible face of a subtly spreading phenomenon consisting of numerous unanswered or unmotivated rejections of applications for conference participation, fellowships or grants for research programs connected to Israeli institutions, considered as accomplices with their government.

We cannot accept this.

The very idea of academia, inherited from the 18th-century Republic of Letters, is being challenged. Either we agree that there is one, and only one, academic community, which exists beyond people’s opinions and nationalities, or this community does not exist, and this means that science and the Enlightenment ideal are dead.

Antizionism from the Pulpit’

The result is the creation of a “moral ghetto”, as Bernard Lazare so aptly put it. Will this boycott end up targeting French academics because of their Jewishness, real or supposed but a priori guilty? This ostracization has already affected Jewish students, as testimonies, surveys, official reports and press articles have revealed. A form of "anti-Zionism from the pulpit"[4] has been rampant in the academic world and on campuses for the past two years, as shown by the European report on "A climate of fear and exclusion: Antisemitism at European universities".[5]

Boycott, ghetto, Jew: these lexical clues, to be analysed with the keys offered by historical semantics and the long history of anti-Semitism, raise questions about the nature of the current phenomenon. In certain situations, the anti-Zionist rhetoric that has flared up on campuses and defended as falling under the freedom of expression of political opinions, creates an atmosphere of confusion.

We do not, however, defend the idea that the university should be a sanctuary. The problems of a globalized society constantly interfere with campus life and become objects of study for social and human sciences, equipped with their own critical reflexivity and tried-and-tested methods of objectification. No object should be excluded a priori from critical rationality.

We call on our authorities – “France Universités”[6] and the French Ministry of Higher Education and Research - to condemn the principle of an academic boycott, whatever the nationality of the researchers.

We call for the creation of an international academic organization for the fight against boycotts and the political and ideological pressures exerted on academics, including by other academics.

 

 

To sign:

https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSeF9JqfVucMRY_JqCmJV_TttG35KuSoPNp58jcQEI5T1RnKkA/viewform?usp=header

 

[1] https://www.mahj.org/sites/default/files/2025-09/CP%20boycott%20colloque%20Histoire%20des%20juifs%20de%20France_1.pdf

[2] https://k-larevue.com/universite-israel-boycott/

https://www.pressenza.com/fr/2024/04/succes-du-boycott-des-universites-israeliennes/

[3] See Eva Illouz, Le 8-Octobre, généalogie d'une haine vertueuse, Tracts-Gallimard, 2024.

[4] We owe this phrase to philosopher Gérard Bensussan in his latest book Des sadiques au cœur pur, Hermann, 2025.

[5] https://bnaibrith-org-wpom.nyc3.cdn.digitaloceanspaces.com/wp-content/uploads/2025/08/FINAL-A-climate-of-fear-and-exclusion-Antisemitism-at-European-universities.pdf

[6] https://www.campusmatin.com/annuaires/vie-campus/france-universites.html

bottom of page